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Rencontre avec Paul Personne, Festival blues de Cahors le 18 juillet 2004

Commentaire : Paul Personne était la tête d'affiche de l'édition 2004 du festival blues de Cahors, dans le Lot. Le concept était que Benoît Blue Boy et Patrick Verbeke le rejoignent sur les planches pour une réunion "au sommet". Juste avant l'heure dite du concert, en fin d'après-midi, une petite poignée de journalistes spécialisés dont faisait partie T'as Pas 100 Blues s'est retrouvée autour de Paulo pour une petite rencontre avec l'artiste. C'était le 18 juillet 2004.

Souriant, détendu, Paul Personne arrive dans la salle ou doit se tenir la rencontre. Nous sommes plusieurs à avoir espéré obtenir une interview individuelle, mais son staff a été ferme sur ce point. Ca sera, comme bien souvent, une rencontre à plusieurs. Peu importe, la poignée d'irréductibles journalistes dont nous faisons partie se réjouit d'entammer la conversation.
Visiblement, la rencontre "Paul Personne and Guests" du soir, annoncée à l'affiche, s'est faite un peu "à l'arrache". Pas eu le temps de véritablement préparer le jam à venir : <<ça supposait de trouver un local de répét' pour faire des morceaux à Patrick, des morceaux à Benoît, le tout avec mes zicos, c'était donc un peu compliqué à organiser…>>

D'ailleurs, c'est l'organisation du festival qui est à l'origine de la réunion. <<On n'a pas souvent l'occasion de se croiser, mais il y a des époques où tu croises plein de gens, où tu as des occasions… tu vois moi je vis en Normandie, Patrick vit à Paris, Benoît s'est barré vivre aux Indes pendant quelques temps et après il est allé au Maroc avant de revenir à Paname depuis quelques mois… Tu vois, Benoît, ça faisait des années que je ne l'avais pas vu, et quand j'ai fait l'album "Coup de Blues" l'année dernière, je l'ai appelé car il a une manière d'écrire qui est vraiment perso à lui, et donc on a fait une chanson ensemble. Il est passé à la maison alors que ça faisait au moins 2 ou 3 piges que je ne l'avais pas vu, on s'est marrés sur le texte, puis je lui ai dit que j'avais aussi un rock, et donc on a continué jusque tard dans la nuit, et il a ainsi fait une autre chanson avec moi. On a finalisé le tout par fax et téléphone car lui repartait à Jaipur aux Indes. Patrick je l'avais vu il n'y a pas très longtemps à l'occasion de la réunion "Autour du Blues", avec plein de musiciens et moi-même qui suit venu à l'invitation de Cabrel, et ça a donc été pour moi l'occasion de croiser Patrick>>

Il est vrai que réunir ces 3 artistes, figures marquantes de l'histoire du blues en France, est une idée aussi excellente qu'inédite. Concernant une éventuelle continuité de cette formule à 3, Paul Personne révèle ses incertitudes, tout en n'excluant pas la chose : <<Alors là je ne sais pas du tout, c'est un truc qui serait à gamberger entre nous, mais bon chacun a sa vie, chacun a ses concerts, ses disques, donc il y a peut-être moyen de le faire, à voire. En tous cas il y a un bon feeling entre nous, il n'y a pas de problèmes d'ego…>>

Les 3 musiciens réunis ce soir ont longtemps été surnommés, également avec Bill Deraîme, les "4 mousquetaires du blues français", et je me suis souvent demandé si cette étiquette n'avait pas été un peu lourde à porter à un moment donné : <<Je n'ai aucun souci avec ça, ça ne m'a que très peu soucié ce truc là. Il est bien évident que je ne renie pas du tout mes influences blues, j'en parle souvent, mais le but de mon histoire est d'essayer de me trouver, de savoir ce que j'ai envie de faire. J'ai été gosse pendant une histoire hyper riche musicalement, j'ai écouté plein de choses, dès le moment ou tu es ouvert et pas focalisé sur une seule étiquette, ça te permet d'écouter de la country, du jazz, des musiques expérimentales, des musiques ethniques, des tas de trucs quoi. Quand tu es môme, tu es comme une éponge qui absorbe et emmagasine plein de trucs divers au fond de la tête, comme des souvenirs. >>

Puis Paul établi une relation avec son actualité :
<<Tu as aussi des envies. L'année dernière j'ai fait 2 disques avec "Demain il F'ra Beau" qui est plutôt acoustique, mélodique, car en même temps que j'aime Muddy Waters, je peux aimer les Beatles, James Taylor, et d'autres tas de gens… A la suite j'ai fait "Coup de Blues" qui est, lui, plus rock et blues. Donc je me laisse aller uniquement à ce que j'ai envie de faire. Après, si des journalistes veulent s'amuser avec des étiquettes, je laisse faire. Personnellement, je passe ma vie à essayer de creuser un sillon que j'approfondi, et surtout je me laisse aller uniquement à faire ce qui me plait. Maintenant, s'est vrai que tous les 4 on peut tous se retrouver sur des standards de blues malgré nos parcours respectifs variés, car ça a été notre école, ce qui nous a nourrit. Après, ce qui est intéressant, c'est que chaque mec trouve sa direction.>>

Personnage convivial et sympathique, Paul Personne n'en est pas pour autant plutôt difficile à aborder, ou du moins la barrière semble-t-il imposée par son entourage semble de plus en plus difficilement franchissable. De plus, sa discrétion sur le petit écran amène autour de lui des rumeurs bonnes à éclaircir : <<Quand on me dit qu'on ne me voit pas souvent à la télévision, je réponds qu'aller à la télé ça m'emmerde. J'ai fait plein de plateaux télé par le passé, à une époque il y avait "Taratata" qui était très sympa à faire, il y avait aussi "Nulle Part Ailleurs", ou "Les Enfants du Rock" à une époque, bref des émissions musicales… Maintenant qu'est-ce que je vais aller m'emmerder sur un plateau de talks, je ne citerai pas de noms, mais avec des animateurs qui sont, eux, la vedette, et où toi tu sers un peu d'homme de paille… Par rapport au reste de la presse, j'ai toujours dis à ma maison de disques que tout ce qui est radio et presse, j'y vais. Pour les télés, proposez-moi des choses et je vous dirai si j'y vais ou pas.>>

Et qu'en est-il de son intérêt pour la nouvelle scène blues française ? Du haut de son expérience et de son passé, suit-il ce qui se passe actuellement ? <<Oui, je connais les Hoodoomen avec qui j'ai joué il n'y a pas longtemps. Et tu vois, j'habite dans un coin qui est un peu le trou du cul du monde, mais où il y a un gros avantage, c'est qu'un mec y a ouvert un bar avec un esprit un peu québécois qui s'appelle le Caribou, dans l'Orne. Ce n'est vraiment pas loin de chez moi et j'y vais donc de temps en temps y boire une mousse. La programmation y est éclectique, mais en grande majorité c'est rock et blues. J'ai vu plein de groupes là-bas, des groupes de Caen, de Rouen, de Paname, et à chaque fois je vois des supers zicos. Et les mecs, sachant que je suis là, viennent me voir, on papote ensemble, c'est vachement intéressant. Je suis un fan de Pascal Fouquet , je n'arrête pas de lui dire, mais j'aime vraiment son jeu de guitare qui part de T-Bone Walker et qui s'ouvre vers le blues-swing. C'est d'ailleurs marrant de voire cette tendance, ces guitaristes qui jouent dans cet esprit là. A une époque tu ne pouvais pas croiser un mec sans entendre l'influence de Stevie Ray Vaughan, mais maintenant ça part autre part, c'est marrant de voire comment ça évolue. Mais ça me botte de découvrir et de savoir que le relais arrive.>>

Sans doutes beaucoup sollicité pour conseiller les groupes émergeants, Paul a un discours à ce sujet bien rôdé : <<Lorsque les mecs viennent me voir, je dis que je ne suis pas trop un donneur de conseils, mais le seul truc que je peux dire c'est que quand tu chantes du blues en français, pour trouver à te faire signer quelque part ou pour passer en radio c'est pas évident. Moi à l'époque de Bracos Band ou de Backstage, je chantais en anglais, mais je me retrouvais à jouer en France devant des mecs qui parlaient la même langue que moi, et j'ai senti comme un décalage. J'ai pris conscience que ce que tu racontes, les mots, les histoires, c'est vachement important quand les gens les comprennent. Donc le seul truc que je dis c'est que tant qu'on fait des standards du blues comme beaucoup de monde en font, c'est, bien sûr, un super moment à passer, mais ça pourra pas aller plus loin que ça : vous allez jouer dans les bars toute votre vie. Regarde Benoît, c'est un peu notre John Mayall à nous, c'est un peu notre papa à nous, je l'ai connu à l'époque de son premier album chez Vogue, et ses titres en français c'était super, on se marrait ! ce sont des trucs qui restent dans la tête… ce sont des mots, des phrases auxquelles tu peux te raccrocher.>>

Face à l'insistance d'un membre de l'assistance concernant ce sujet très intéressant (la langue française et la musique blues sont-ils aussi faciles à marier ?), notre Parisien de naissance rajoute : <<En tous cas il y en a qui y arrivent. Pour moi les mots sont aussi importants que la zique. Après c'est une question de savoir le faire, d'avoir des choses à raconter, arriver à trouver les mots pour le raconter… Mais ça peut se bosser aussi. Lorsque j'ai entendu Nougaro, je me suis dis que la langue française c'était poétique, littéraire, ça n'a pas le même swing que la langue anglaise, mais des mecs comme ça arrivent à faire swinguer cette langue. Donc pourquoi pas d'autres. Avec moins de talent et moins de génie, mais tu peux raconter des histoires en faisant swinguer les mots. Ca m'est arrivé de trouver des phrases agréables à lire, mais quand tu prends la gratte, ça ne swingue pas. C'est sympa, mais ça ne swingue pas. Alors tu la changes, tu la vires, tu essayes de trouver le même sens mais avec d'autres trucs, moins intéressante à lire, mais plus musicale. C'est un boulot.>>

  <<La France a toujours été beaucoup complexée par les anglo-saxons, le rock est venu de là-bas, étant mômes on a toujours traîné ce "sac à dos" en disant qu'il n'y avait que là-bas que ça sonne…. Mais depuis quelques années je trouve que les Français se sont décomplexés de ça.>>

Pour conclure, il est toujours intéressant de connaître l'avis d'un artiste, dont le label a été absorbé par une major, sur la dite "crise" du disque : <<avec tous les problèmes du disque, piratage, mp3 et tout ça, la scène et les concerts reprennent une réelle importance, comme cela se passait "avant". Laissons faire les medias avec leurs émissions attrape-cons, mais les mecs qui ont réellement envie de sentir qu'ils existent, c'est pour aller jouer devant des gens. Ce qui est important c'est de jouer devant des gens. Au moins tu ne perds pas ton temps, quand les gens t'applaudissent tu sais tout de suite ce qui se passe, ce que tu es en train de vivre.>>
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