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Rencontre avec Paul Personne : Moi j'suis libre - Pour Delirium 2001

Nous avons pu rencontré Paul Personne, après la répétition précédant son passage au Phénix de Valenciennes. L'artiste, malgré sa fatigue et le peu de temps dont il disposait, a très sympathiquement répondu à nos questions. Pendant la balance, vous avez joué des standards de Paul Young et vous aviez l'air de vous faire plaisir...
On fait ça pour déconner. Avec les deux américains à la basse et à la batterie, depuis qu'ils ont participé l'année dernière à l'album, il y a une vraie complicité entre nous. Dès le départ on a fait des conneries comme ça à "jammer" sur des trucs d'Hendrix, des Cream ou Neil Young. J'ai toute cette culture là depuis que je suis adolescent et eux connaissent tout ça aussi.
Donc il y a tout de suite osmose. Mon pianiste qui travaille avec moi depuis une bonne dizaine d'années connaît tout cela aussi. Ce sont des super musiciens et on se marre vraiment bien. Donc pendant la balance d'un spectacle on fait tout ce qui nous passe par la tête, on détourne les chansons qu'on doit faire.

Vos musiciens sont beaucoup plus jeunes que vous. A votre avis le blues ne se démode pas ?
Non, c'est là en permanence depuis un paquet d'années. Pour le moment ce n'est pas encore prêt de partir, d'autant que c'est recyclé un peu à toutes les sauces plus ou moins bien dans les publicités et un mec comme Moby c'est intéressant ce qu'il a fait. Donc le blues est toujours
sous-jacent. Il y a des périodes plus ou moins "bluesy". Il y a une dizaine d'années avec Stevie Ray Vaughan, une sorte de nouveau blues-boom est arrivé et c'est reparti d'une autre manière. Il y aura toujours une place pour les ambiances "bluesy" tant que l'être humain
sera ce qu'il est.

Comment est l'être humain pour vous ?
Un peu comme il est, avec tout ses paradoxes, ses conneries et ses bons côtés. On a tous ce genre de dualité en nous : La Belle et la Bête, le Bon et le Méchant, le Bien ou le Mal.
Dieu et le Diable, ce qui fait qu'on est toujours sur un fil de funambule et le jour où l'on tombe c'est la face cachée de soimême. Il y a des jours où l'on fait des choses fantastiques aussi.
Quand on envoie des mecs à la guerre ce sont peut-être des mecs vachement gentils au départ. Ils se retrouvent avec un flingue dans les poignes et il doivent tuer des gens qu'ils ne connaissent pas. L'être humain est ainsi fait! C'est pas pour ça qu'on peut s'empêcher d'avoir de l'espoir et de l'amener à être mieux. Mais quand on voit tout ce qui se passe, le bateau qui vient de couler et de polluer la mer, ce genre d'irresponsabilités, de pognon en jeu, tu ne peux pas t'empêcher d'avoir du mal à croire que les choses peuvent s'arranger, mais tu vois quand même des mecs qui se défoncent le caisson pour faire que les choses s'arrangent. T'as pas le choix, il faut avoir
l'espoir, sinon tu t'en colles une tout de suite. Même pour les générations à venir il faut continuer le chemin.

Il y a un mot qui revient à votre sujet, c'est "imposé". On a l'impression que vous avez toujours imposé vos choix dans votre carrière. Est-ce parce que votre musique n'était pas forcément commerciale au début ?
Je ne sais pas. Par Contre j'ai toujours su ce que je ne voulais pas.
Savoir ce que je voulais, je savais vaguement, mais savoir ce que je ne voulais pas, ça je le savais. Je ne voulais pas faire de bals, je ne voulais pas accompagner des artistes de variété, je ne voulais pas me laisser entraîner dans des fourvoiements qui n'étaient pas les miens. Je suis tombé sur plein de mecs qui disaient : "En te foutant un costard, en te coupant les cheveux, on va faire de toi une star". Ma réaction a été "rends-moi ma cassette et va te faire foutre".
C'est vrai que j'ai vécu toute ma vie un peu comme ça, un peu comme une tête de cochon et
cuis sans concession. Je propose de la musique aux gens et eux disposent. Ils ont le choix d'écouter. Quand il y a une affiche dans la ville, ils viennent ou ils ne viennent pas et j'ai senti que le public grossissait au fil des années. Le bouche à oreille a fonctionné, car je ne peux pas dire que j'ai été ultra-médiatisé et je ne le regrette pas, car j'ai réussi à parcourir mon chemin sans faire trop de télévision en play-back, bien que j'en aie fait quand même.

Vous sentez-vous libre de toute pression maintenant (maison de disques, ingénieurs du son...) ?
Oui c'est sûr! Personne ne me demande jamais rien avant de faire un disque. Je sais que ma maison de disques prend des nouvelles auprès de mon manager, mais on ne me fait pas chier alors que par contrat je dois leur filer un album tous les 18 mois.
C'est un contrat, mais le contrat est fait pour ne jamais être sorti. Si tu dois sortir le contrat tous les deux mois c'est qu'il y a des problèmes. Normalement quand cela se passe bien, on le met dans un tiroir et plus personne n'en cause jusqu'au renouvellement ou au départ. Donc, je me suis battu toute ma vie pour avoir cette indépendance, cette liberté artistique aussi et surtout qu'il n'y ait pas un directeur artistique qui arrive et me dise "Ouais Coco c'est pas mal, mais là il faudrait changer les textes", ou alors "là ton pont musical il faudrait peut-être...". Or souvent ces gens-là n'y connaissent absolument rien.
Tout cela je l'ai résolu et je n'ai aucune pression de la part de ma maison de disque ou du tourneur.
C'est moi qui décide de partir en tournée ou non.

Si vous étiez débutant, referiez-vous les mêmes choix de carrière ?
Ayant la même personnalité, oui ! Mais c'est toujours pareil souvent on pense qu'on ne ferait pas forcément le même parcours. Je ferais peut-être pire. Je garderais peut-être plus de sauvagerie, mais je ne sais pas si ça me botterait d'être maintenant un jeune mec pas connu. Quand on voit M et d'autres groupes qui se démènent et se font signer... Dans les années 60 ce n'était pas facile non plus, il y avait tous les artistes de variétés qui étaient en haut de l'affiche et quand tu arrivais avec une musique un peu rock les mecs n'y connaissaient rien. Les ingénieurs du son avaient le même matériel qu'en Angleterre, mais ils n'arrivaient pas à produire le même son que les Anglais.
Pourquoi? Parce qu'ils enregistraient un jour Yvette Horner, un jour Serge Lama et toi tu arrivais avec ton matériel sans pouvoir avoir le son des Stones et tu te retrouvais avec un son plastoc de variété. Ce genre de problème est maintenant résolu. Il y a eu une évolution avec l'arrivée des radios libres, mais elles sont de nouveau formatées dans des stéréotypes avec la publicité. La plupart passent un peu la même chose, le top du top. Il y a donc des tas de gens qui ont du mal à passer à la radio. Mais quelque soit le format je pense que je resterai toujours avec la même mentalité vis à vis des maisons de disques. Je ne changerai ni mon look, ni mes chansons pour arriver plus vite.

Vous écoutez beaucoup la radio ?
Oui ! Je suis souvent en bagnole et je mets souvent la radio. J'écoute plein de choses différentes : du jazz, de la musique classique, de la country... Par contre j'achète moins de CD qu'avant. J'écoute moins de musique que quand j'étais môme.

Vous avez joué dans beaucoup de groupes avant de faire votre carrière en solo. Qu'est-ce qui vous a décidé à faire une carrière solo ?
C'est pour avoir une forme de liberté et d'autonomie, mais je suis toujours en train de rechercher une forme de groupe notamment avec les trois mecs avec lesquels je suis sur la route.
J'ai cette ambiance de bande ou band... C'est la cour de la petite maison où je vivais quand j'étais môme avec tous mes copains et en même temps je suis assez
solitaire tout en ayant envie d'une bande de potes, donc j'ai toujours recherché cette amitié à travers les groupes. J'ai été élevé aux Beatles, aux Stones... c'étaient des mecs ensemble avec des complémentarités. Ils faisaient une musique particulière. J'aime les Doors, Jim Mornson, ce qu'il écrit et sa manière de chanter.
L'intérêt d'un groupe comme les Doors, c'était la réunion de ces 4 mecs et ce son un peu bizarre. Le fait de choisir Paul Personne comme nom d'artiste, même si ça
change de batteur ou d'instrumentiste, cela reste toujours Paul Personne. Or souvent dans les groupes, cela s'appelle Machin et puis il y a deux mecs qui se barrent et c'est dur de garder le nom car ce n'est plus la même chose.
Alors que là, cela m'a donné la liberté de faire ce que je voulais dans ma vie et de décider de la direction de ce que je voulais faire (photos...) sans qu'il y ait des gens pour dire on n'est pas d'accord, on préfère choisir telle
chanson... J'ai donc une autonomie totale, mais en même temps j'essaye de trouver la complicité des gens qui m'entourent aux différentes périodes de ma vie.

Êtes-vous plus directeur ou laissez-vous un certain degré de liberté aux musiciens et aux ingénieurs du son ?
Au départ j'entends quelque chose et je sais ce que j'ai envie d'entendre. J'ai des idées que je mets sur cassettes en studio. J'ai aussi des fois des idées précises sur une mélodie, une ligne de basse ou une reprise de batterie ou un arrangement, mais ensuite je dis aux autres allez-y, apportez vos idées. Ce qui est parfait c'est de mettre sur bande ce qu'on imaginé, mais parfois on a des surprises et c'est formidable aussi car le morceau prend une dimension que je n'attendais pas.

Vous dites "vas-y propose", mais à la fin c'est vous qui décidez ?
Bien sûr! Il peut y avoir des idées qui ne me corres-
pondent pas par rapport à des sensations personnelles. L'idée d'un musicien peut-être bonne, mais parfois elle
peut aussi ne pas l'être. Je suis en fait décideur en
dernier ressort.

Que pensez-vous des musiques dites expérimentales ? Lesquelles?
Moby, Madona...  De Madona, j'ai juste entendu Américan Pie, on ne peut pas dire que ça m'a renversé. J'ai des disques des Chemical Brothers et je suis toujours ouvert à des choses autres que le blues. Je réagis à l'instinct, que ce soit à la mode ou pas je m'en fous ! Avant de rentrer en studio j'avais des idées pour une quarantaine de morceaux, dont certains un peu bizarres, mais je n'ai pas exploité ce côté musique expérimentale. Mais peut-être qu'un jour je ferai un disque un peu fracassé, mais il ne faut pas que ce soit un exercice de style. Il faut que ce soit quelque chose que j'ai ' vraiment envie de faire.

Pourquoi avez-vous choisi de chanter en français alors que vous étiez plus inspiré i par la musique anglaise ?
Je vis en France et j'ai grandi avec toute une culture notamment argotique qui est française, même si les USA et l'Angleterre ; m'ont fait rêver. Au début j'ai chanté en anglais, mais dès que. j'ai composé je l'ai fait en français. Puis quand je me suis un peu retiré, j'ai monté des groupes pour chanter en anglais et retrouver des sources de musique un peu bluesy. Et dès que j'ai fait ' Paul Personne je me suis aperçu que c'était mieux de chanter en français en France, même si toute ma culture est anglo-saxonne au ' niveau de la musique. C'est magnifique d'entendre Nougaro faire swinguer les mots, de lire Rimbaud, Beaudelaire ou Prévert, mais aussi des romans ou des polars américains. Je me trouve bien dans cet équilibre là. C'est ainsi que j'ai découvert  comment raconter une histoire avec décontraction, sans obligatoirement faire rimer les mots ou faire de la poésie ou de la variété française. Je peux donc associer ma voix avec le français et faire swinguer les mots à ma manière. Et ça me plaît, car ma musique est plus anglo-saxonne que balajo.

Avez-vous parfois la nostalgie des débuts, de la camionnette qu'on doit charger avec les copains ?
J'aimais bien le côté potes de lycée qui entassent du matos dans une bagnole et qui partent sur la côte pour trouver du boulot. Cela fait partie de ma vie. L'adolescence est aussi une période difficile à traverser, mais la musique aide à la passer. J'ai toujours aimé les départs d'une histoire d'amour ou d'amitié. C'est un super espoir. Je ne suis pas un artiste arrivé. Ce qui m'intéresse c'est de gravir la montagne et pas d'être en haut, car un jour on est poussé du haut. Je préfère progresser doucement.

Quels conseils donneriez-vous à des jeunes qui débutent ?
J'ai du mal, car je doute moi-même de ce qu'il faut faire. Si un feu brûle à l'intérieur, le gars va continuer. Si c'est juste pour la parade,il va laisser tomber à un moment, car le chemin est difficile. Le but d'une vie est de se trouver. Il y a nécessairement la période où on a un tas de modèles, mais il faut s'en détacher et savoir ce pour quoi on est fait.

Quelle est la chanson de votre répertoire que vous regrettez d'avoir chantée ?
Ce qui m'emmerde un peu c'est l'album "La Chance" et une chanson comme "Trop Tard" sonne trop variété, mais pour des raisons diverses je n'ai pas pu remixer cet album qui est trop sucré. Je vais donc jusqu'à regretter cet album.

Dans le répertoire français quelle est la chanson qui vous auriez aimé créer ?
II risque d'y en avoir beaucoup Mais si j'avais fait les paroles et la musique de Vertige de l'Amour ça m'aurait bien branché. Il y aussi des chanson d'Higelin qui sont géniales. Le choix est difficile.

Propos recueillis par Alexandre Stievenard (2001)

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