INTERVIEWS - ARCHIVES RADIOS - VIDEOS - GUITARES





Paul PERSONNE rencontre le samedi 20 mars 2004

C'est ans l'intimité de sa loge que Paul Personne a accepté de nous recevoir dans le cadre de la dernière soirée du Blues Autour Du Zinc … L'heure n'est plus à la promo de ses deux derniers albums  mais plutôt à des questions d'ordre général, pas toujours inédites mais globalement accueillies avec le sourire et avec beaucoup d'humour par un artiste à qui l'on a souvent demandé de porter le flambeau du blues français. Plusieurs raisons à cela, à commencer par la voix éraillée et la gueule du personnage qui rappelle celle des marins burinés par les longues heures passées en mer … Un homme que le sort n'a pas toujours épargné et qui n'a pas choisi d'avoir le blues au fond de lui, qui l'a juste attrapé comme on choppe un bon rhume ou une bonne cuite et qui a su tirer profit de la blues attitude qui lui est tombée dessus … Charmant personnage qui parle sans retenue et avec lequel il vaut mieux prévoir de la bande si on veut pouvoir capturer la totalité de ses paroles !   
 
A l'époque de Backstage et de Bracos Band, tu t'évertuais à faire du blues en Anglais alors que les motivations du moment pour le public résidaient dans le rock français de Téléphone ou de Trust … Depuis tu es passé au blues en Français et les groupes américains ont repris le dessus sur le marché ! C'est une volonté d'être en marge des courants porteurs ou juste des choix qui résultent d'une fâcheuse habitude d'avoir un métro de retard ?
Je ne sais pas si c'est du retard parce que je me rappelle que quand j'étais gosse, les premières compos que j'ai pu faire vers l'age de quatorze, quinze ou seize ans avec un groupe qui s'appelait L'Origine qui avait signé chez EMI, d'ailleurs ce sont mes parents qui avaient signé à l'époque, étaient un peu en avance sur leur temps. Vers 72 ou 73, on a fait un groupe qui s'appelait La Folle Entreprise, on était une quinzaine et on chantait en Français, on avait été signé chez Motors en France et on avait enregistré aux Sudios Island à Londres … Là c'était pareil puisque j'ai vu par la suite arriver le Big Bazar de Fugain qui était une version très variété de ce que nous avions déjà fait très sauvagement avec La Folle Entreprise. Mon truc, c'est de faire uniquement ce que j'ai envie de faire au moment où j'ai envie de le faire ! Donc à l'époque de Backstage ou de Bracos Band, je chantais en Anglais parce que je m'étais vraiment éloigné de tout le show business français qui m'emmerdait vraiment avec tout ce qui se passait autour. Ce sont des potes qui sont venus me remettre la guitare à la main si l'on peut dire et au début on a fait des trucs simples, des covers, des compos en Anglais et surtout on s'invitait dans les festivals et comme on voyait que ça le faisait, on s'est dit qu'on allait continuer un peu … Backstage a été signé chez Vogue parce qu'un jour où je jouais au Rose Bonbon je crois, un mec de chez Sonnette ou de chez Alligator m'a dit que si on signait chez Vogue France, on serait distribué chez Sonnette et Alligator. Moi je trouvais ça plutôt cool de chanter en Anglais et puis comme le but à l'époque était d'aller jouer en Allemagne, en Hollande et un peu partout à l'étranger … Et puis je me suis très vite retrouvé à chanter en Anglais devant des Français et j'ai trouvé ça tellement ridicule que je me suis mis à chanter en Français. Maintenant, j'ai trouvé mon chemin avec la langue française qui est quand même celle avec laquelle j'ai grandi et qui est donc la plus simple pour moi. Je crois que même si je devais aller jouer aux States maintenant, ça me botterait vraiment de chanter en Français. Eux quand ils viennent chanter chez nous, ils ne traduisent pas leurs textes … Pourquoi le ferions-nous alors ?          

Tu as travaillé dans le passé avec des bluesmen comme Benoît Blue Boy mais aussi avec des gens comme Jean-Louis Aubert qui ont un répertoire plus pop … Te considères tu comme un touche à tout de la musique ?
Il n'y a pas de borne, pas de limite à ce qui me touche … Je me laisse aller à mes sensations, à mes sentiments ! Depuis tout gosse, j'ai écouté des tas de choses. On m'a donné en quelque sorte un drapeau du blues français que je n'ai jamais essayé de revendiquer parce que j'ai toujours dit que je n'étais pas un puriste et que je faisais juste une musique bluesy … Le blues m'a vraiment influencé, il fait partie de ma vie et de mon moyen d'expression mais en même temps, quand j'étais gosse, j'écoutais les Beatles, les Stones, les Animals, tous ces groupes qui s'étaient inspirés du blues. Pour mois, les Stones étaient un groupe de rock, je ne savais pas que leurs influences étaient Muddy Waters et Chuck Berry en fait … Il n'y a vraiment qu'à l'époque de John Mayol avec Eric Clapton, Peter Green et Nick Taylor que je me suis dit que cette musique qui me plaisait s'appelait le blues. En même temps, j'ai toujours écouté de la country, je pouvais écouter Muddy Waters le bluesman noir et Hank Williams, country-boy mais aussi quelque part le bluesman blanc. J'ai aussi écouté du jazz et des tas d'autres choses, je n'ai jamais essayé d'être un puriste du blues … Donc pour moi, aller jouer avec Jean-Louis Aubert qui est un pote ou encore Jacques Higelin, Manu Dibango ou encore Eddy et Johnny ne me pose pas de problème puisque humainement et musicalement je peux le faire. Je m'entends bien avec ces mecs donc c'est surtout un bon moment avec des potes ! Par contre il y a des invitations sur lesquelles je ne suis jamais allé parce que ça ne m'intéresse pas de faire n'importe quoi avec n'importe qui …         

Sur " Patchwork Electrique ", tu partageais l'écriture de " La Beauté du Blues " avec Thiéfaine et tu incorporais des scratchs sur une musique dont le fond était somme toute assez classique … Les nouvelles technologies t'attirent-elles ?
C'est pareil, je n'ai jamais été contre les choses nouvelles … Les synthés et les samples peuvent amener des choses intéressantes, tout dépend de la manière dont on les utilise ! " La Beauté du Blues " devait être au départ une chanson avec guitare acoustique, slide et une sorte de drumbox derrière avec une voix qui devait être très primaire et très sauvage. Et puis j'ai commencé à empiler des guitares et à faire des trucs, à mettre des chœurs, à ajouter une basse, et au bout d'un moment, je ne savais plus où j'en étais avec ce morceau. J'avais envie d'un son, d'un bruit … Et à un moment, Ian Taylor, l'ingénieur du son, m'a dit que ce serait peut-être bien d'y mettre du scratch. Moi, j'adorais le scratch et comme nous n'étions pas très loin de Marseille, au studio de Miraval, les mecs d'IAM n'étaient pas très loin … On les a appelés et un jeune Dj est venu faire du freestyle sur les parties et nous, au final, on a pioché des trucs … Il y a des tas de gens qui m'ont reproché de vouloir plaire aux jeunes, de vouloir me moderniser. Attendez les mecs, moi ce n'est pas mon truc l'opportunisme, le jeunisme et le fait d'essayer d'être tendance … J'en ai rien à battre de ces trucs ! Il y a des gens qui créent, il y a des studios qui te permettent de faire certaines choses mais moi ce que j'aime au départ, c'est le fait d'enregistrer de façon hyper classique, live, à l'ancienne … Après, quand tu as un peu de temps, c'est bien de bidouiller des choses. Ca peut être marrant tout comme tu peux entièrement détruire la fraîcheur que tu avais au départ.       

Tu as fait tes débuts à la batterie … Qu'est ce qui t'a poussé à attraper un jour une guitare ?
En fin de compte, je pense que je voulais être gratteux au départ … Quand j'avais onze ans, c'était un peu mon rock'n'roll à moi, c'était la période twist en France, il y avait Eddy, Johnny et tous ces groupes de twist qui s'inspiraient des rockeurs américains et moi je m'étais fabriqué une guitare en carton avec un manche en bois et des élastiques et puis je me faisais la banane pour faire le con devant ma glace … Et puis ma frangine qui était musicienne a ramené un batteur un jour à la maison. Il avait une batterie jaune pailletée et avec mes yeux de gosse j'ai flashé ! Donc j'ai piqué une boite à gâteaux, une louche, les aiguilles à tricoter de ma mère et j'ai commencé à faire ça … Ensuite ma frangine m'a payé une caisse claire et une cymbale et c'est venu comme ça ! Parallèlement à ma vie de batteur, il y a un pote qui avait laissé à la maison une sorte de gratte espagnole, une guitare classique avec des cordes en acier et un son d'enfer aux limites de l'injouable. Il y a un autre pote qui a commencé à me montrer deux ou trois accords et j'ai commencé par relever les accords de mes idoles, les Stones, les  Beatles … Ensuite, j'ai fait mes premières compos. La guitare m'a toujours sensibilisé et touché, j'ai toujours été attiré par cet instrument mais je faisais des progrès à la batterie … Et puis il y a les rencontres de lycée, tu rencontres un bassiste, un guitariste et puis toi tu es batteur et tu ne va pas chercher plus loin, tu te retrouves embringué comme batteur dans tous les groupes. Cet instrument me plaisait mais quand Hendrix est arrivé, j'ai beaucoup aimé son batteur mais en même temps, c'est Hendrix qui m'a ravagé … C'est vers l'age de vingt deux ans que j'ai abandonné la batterie et que je suis parti en Angleterre, parce qu'il y avait là bas un marché de l'occasion florissant, pour m'acheter une Gibson SG Junior. Je suis revenu, j'ai trouvé un ampli et j'ai commencé comme guitariste rythmique et chanteur et puis tout doucement j'ai fait des progrès …

Penses tu que c'est le fait d'être autodidacte qui a permis à ton jeu d'être unique et facilement identifiable ?
C'est gentil ce que tu me dis parce que c'était un peu le but d'une vie … J'ai toujours essayé de creuser un peu le sillon de la vie, je sais très bien que je suis limité et que je ne vais pas faire du jazz, de la bossa nova et du western swing mais ce n'est pas grave. En même temps j'ai conscience d'être limité dans mon truc mais j'essaie d'approfondir les choses avec le temps, c'est la quête de toute une vie. Je connais des mecs qui prennent une gratte et qui jouent à la manière de Hendrix ou de Santana et c'est vrai que c'est bluffant sur le moment mais quand tu leur demande de jouer réellement à leur façon, sans essayer d'imiter dugland ou dugenou, ça ne donne plus grand chose … Quand on est autodidacte, on fait plein d'erreurs mais ces erreurs font ta personnalité. C'est comme ce qu'on appelle le charme chez quelqu'un, ce n'est pas ces nanas de magazines qui sont parfaitement sculptées … La vraie vie, ce n'est pas ça, c'est justement le petit défaut que tu vas trouver chez quelqu'un, dans son visage, dans sa manière de parler ou dans son allure qui va t'accrocher, c'est ce charme là qui va t'intéresser ! J'ai toujours eu une grande méfiance des professeurs, même s'il y en a qui peuvent être très cool. J'ai rencontré des mecs qui allaient voir des profs qui leur disaient que c'est comme ça qu'il faut faire, ta gratte tu dois la tenir de cette manière, le médiator les jazzmen le tiennent la main fermée donc il faut faire comme ça … Le mec à la base n'était peut-être pas fait pour jouer au médiator, il avait peut-être envie de jouer avec les doigts ou d'avoir un accordage spécial ! C'est un peu comme à un gaucher à qui on impose d'écrire de la main droite … Je trouve que ça enlève des tas de trucs ! C'est pour ça que chez tous les bluesmen il y a une putain de personnalité et que chaque mec t'apporte quelque chose parce qu'il a approfondi son propre truc avec tous ses défauts, ses gaucheries, ses manières un peu bizarres de jouer. C'est comme ça que tu les reconnais tout de suite, quand tu entends John Lee Hooker qui décale un peu le temps, tu sais tout de suite que c'est lui … Ce côté autodidacte peut amener le fait que l'on ne te bouffe pas ta personnalité ! En même temps, si tu tombes sur des mecs qui te montrent quelques plans, ça peut te faire progresser plus rapidement. Moi ce que j'aime, c'est me baigner de la musique de ces mecs mais absolument pas leur piquer des plans note à note, ça ne m'a jamais intéressé … C'est vrai que si pendant une semaine tu écoutes Hendrix ou Albert King, quand tu prends ta gratte tu joues sous influence ! Mais si tu ne leur as pas piqué leurs plans, tu joues en pensant à eux mais à ta manière, avec des parfums à eux mais avec ton propre jeu !   

On te décrit comme quelqu'un d'impulsif, le genre de gars à emballer guitare et partitions, à tout plaquer et à partir voir ailleurs s'il ne fait pas meilleur … C'est un mythe ou c'est assez proche de la réalité ?
J'ai toujours voulu faire ce qui me plaisait et sans concession … Au fil du temps, quand j'ai signé des contrats dans des maisons de disques, j'avais une idée bien précise de ce que je voulais. Je ne voulais pas qu'un Directeur Artistique vienne me faire chier en me disant que là il fallait changer les paroles ou le pont musical … Dans ce cas là, c'était tu vas te rouler ou je t'envoie une lettre recommandée ! Ce n'est plus maintenant qu'on va m'avoir, j'ai acquis une indépendance, je n'en fais qu'à ma tête et je sais que l'on ne m'emmerde pas pour ça. L'époque où je bouffais tous les jours des pâtes et des patates n'est pas si loin, maintenant elle commence à devenir un peu plus élastique mais on ne va pas m'acheter ni avec de l'argent, ni avec du luxe, ni avec un beau contrat … C'est pas maintenant qu'on va me faire jouer de la variétoche !      

Tu es aujourd'hui signé sur une major qui est capable de t'assurer un succès important mais qui a aussi la possibilité de t'enfermer dans un tiroir et de te laisser dans l'oubli pour le reste des temps … C'est une relation de confiance qui s'est instaurée entre hommes ou juste un contrat qui court entre un groupe financier et un artiste ? 
Quand tu es môme, tu as envie de signer avec des gens avec qui tu te sens bien … Avec le temps, tu apprends vraiment à signer un bon contrat, surtout dans le sens où si tu signes avec des gens qui sont sympas et avec qui tu partages les mêmes idées, tu ne peux pas être certain que dans six mois ils seront toujours là ! Après c'est un nouveau qui arrive mais il n'est pas forcément branché par ce que tu fais mais comme tu as un contrat, il est obligé … Le contrat, il ne faut jamais le sortir de sa boite ! Si tu le sors, c'est parce que le torchon brûle déjà … Il vaut mieux un accord tacite comme j'ai avec Polydor qui est la première maison avec qui je signe deux fois de suite. D'ailleurs je suis en fin de contrat et je ne sais pas ce qui va se passer … Si j'ai signé une deuxième fois chez eux, c'est parce que ça baignait. Normalement, je suis obligé de fournir un album tous les dix huit mois ou deux ans … Et puis quand je ne donne pas de news, ils me laissent vivre. Si au bout de trois ans je n'ai pas donné de nouvelles, ils m'appellent gentiment en me demandant si ça va, si je suis toujours là … Mais en même temps, il n'y a pas d'obligation. Quand je leur ai proposé de faire deux albums, un plutôt cool et mélodique et un autre plutôt rock-blues, ils ont trouvé l'idée intéressante … Je leur avais déjà proposé d'ailleurs à l'époque de " Patchwork Electrique " mais c'est cette fois qu'ils on trouvé que c'était une bonne idée et qu'ils se sont dit qu'ils ne l'avaient jamais fait avec d'autres artistes. Ils m'ont fait confiance là dessus et c'est très bien. Je sais dire des choses quand les maisons de disques me foutent les boules mais je sais aussi dire quand ça se passe bien. Pour le moment, ça roule ! On verra bien la suite …    

Penses tu que sortir un diptyque avec d'une part un album acoustique et de l'autre un album électrique était une manière détournée de ne pas faire de choix entre tes deux façons d'appréhender le blues ?
C'est un peu ce que je te disais tout à l'heure … J'ai en moi un côté mélodique et en même temps j'ai été élevé quand j'étais gosse avec toutes ces pop-songs superbes que ce soit Aretha Franklin ou Stevie Wonder, des tas de chansons qui duraient trois minutes et qui étaient merveilleuses … En peu de temps, les mecs racontaient une belle histoire sur une belle mélodie dont tu te rappelles toute ta vie. J'ai ça en moi, ce côté yin et yang, Docteur Jekkyl et Mister Hyde … J'aime bien jouer de la guitare acoustique chez moi ou taper le bœuf avec des potes en acoustique avec un feu dans la cheminée, tu te sers un verre, le soleil descend … Et puis j'aime bien aussi prendre une électrique, la mettre sur un ampli, faire pleurer les notes et puis m'amuser avec ça tout en m'exprimant. Ce n'est pas une manière détournée, c'est juste une envie … Avant, dans un album, je mettais deux ballades, une chanson un peu bluesy, une autre un peu rock'n'roll … Je faisais un peu le composite de tout ça. Là, j'ai proposé autre chose, surtout que le premier album, " Demain … il f'ra beau ", n'est pas blues dans l'expression, il est beaucoup plus mélodique. Je n'essaie pas de me restreindre à quelque chose. Je ne me lève pas le matin en me disant qu'il faut composer une chanson. En grattant ma guitare un jour, il y a un truc qui arrive, une mélodie, un riff … J'ai un vieux magnéto que je traîne depuis trente ou quarante ans, un vieux Grundig dont je ne comprends pas comment il marche encore, sur lequel j'ai pris l'habitude, même si ce n'est pas génial au premier abord, d'enregistrer les premiers jets. On se dit souvent qu'on s'en rappellera et en fait on oublie. J'emmagasine des tas de trucs, des bouts de mots, des bouts de phrases … J'ai un dictaphone dans la bagnole, un petit carnet sur moi, et puis quand à un moment j'ai un son dans la tête, une envie de raconter des histoires, et bien là je commence à réécouter mes cassettes. Je sélectionne les choses qui me touchent, qui ont passé le temps parce que six mois ou un an après parfois je trouve ça cool et c'est là que je commence vraiment à bosser !            
 
On vient tout juste de perdre Claude Nougaro qui était un artiste que tu respectais … Penses tu que le swing-jazz français ou plus largement la musique à connotation culturelle forte peut se remettre de cette perte ? 
Ce qui est important, c'est de voir ce qui va se passer dans l'avenir … Tu ne peux jamais te remettre de la disparition de quelqu'un comme ça. Il n'y aura jamais de nouveau Claude Nougaro comme il n'y a jamais eu de nouveau Léo Ferré, Jacques Brel ou Edith Piaf ! A chaque fois, on se dit qu'untel sera le nouveau machin … Tout le monde cherchait le nouveau Dylan. Claude Nougaro était, et est toujours puisqu'il nous reste la mémoire de ses œuvres, un personnage qui m'a fait comprendre qu'on pouvait faire swinguer le Français. J'avais un a-priori avec cette langue qui est belle mais qui est littéraire et poétique et qui n'est pas facile à faire swinguer. Nougaro y est arrivé et, depuis, le Français n'est plus un problème puisque maintenant la France est décomplexée de ce sac à dos anglo-saxon qu'elle doit porter. Avant, on était les petits franchouillards avec le béret, la baguette et le fromage qui n'arrivaient pas à swinguer comme les autres, qui n'avaient jamais le son sur les disques alors qu'il y avait de bons zicos avec de grandes idées. Maintenant, ce problème n'est plus là ! Peut importe ce qu'il se passe en musique, l'important c'est qu'il se passe quelque chose …   

En 1993, tu rejoignais Johnny au Parc des Princes pour un bœuf d'anthologie qui a tourné à la démonstration avec Nono et Thibaut Abrial … Apprécies tu de participer à ce genre de grosses manifestations ou préfères tu faire de petites jams dans des salles plus intimes ou même dans des bars ?
J'ai une préférence pour les petits endroits … Mais en même temps, quand Johnny t'invite, que tu rentre chez toi une quinzaine de jours avant le Parc et que tu trouves un message sur ton répondeur où il te raconte qu'il aimerait bien t'inviter, qu'il voudrait que tu amènes ta gratte sur son concert … C'est cool non ? En même temps, le Parc des Princes n'est pas mon kif d'endroit mais c'est bien de vivre ça au moins une fois dans ta vie. Peu importe l'endroit, l'important c'est ce qu'il s'y passe et ce qu'il va en résulter ! Il y a des jours, tu peux faire un bœuf très merdique dans un chouette petit club, donc après …  

Les gens t'ont longtemps reproché d'être " trop jeune " pour jouer du blues … Tu as maintenant 54 ans, une grosse expérience et une douzaine d'albums sous le nom de Paul Personne, on doit commencer à te considérer comme un vrai bluesman dans le milieu maintenant …
On m'a déjà posé cette question un jour et j'ai dit tout simplement que Robert Johnson n'était pas très vieux quand il est mort … C'est pourtant un des mecs qui est une des grosses influences du blues pour tout le monde et qui est mort vers vingt quatre ou vingt sept ans, ce qui ne l'empêche pas d'être un des piliers bluesistiques … Ca me fait rigoler ce genre de questions parce qu'il n'y a pas d'age pour avoir un mal-être, pour ressentir des émotions et pour exprimer des choses … Donc en fait, no comment ! 

La petite dernière est de notre ami Mike Lécuyer … En 2001, lors de la clôture de Blues sur Seine, tu lui avais dit que tu n'étais pas encore branché par les ordinateurs. Il voulait juste savoir où tu en es maintenant …
Et bien non, toujours pas, je n'ai pas Internet ni tous ces trucs. Je suis un mec assez préhistorique mais il n'y a rien qui me rebute contre ça. Je laisse le temps et la vie faire, si demain j'ai envie d'un ordinateur chez moi, je vais aller l'acheter, mais je n'aime pas trop être face à une machine, je préfère parler à un musicien ou à des être humains plutôt que de faire ma cuisine chez moi avec une bécane ! Donc voilà Mike, tu le sais maintenant, je suis un garçon de l'ancien temps … Non même pas d'ailleurs parce que je vis complètement avec mon temps et avec ce qui m'entoure parce que c'est ça qui me botte. Mais il y a des choses sur lesquelles on n'est pas toujours obligé d'être à la mode ou de prendre tout ce qu'on veut nous faire avaler !

Merci Paul et bon concert !
Oh ben merci, c'était cool …
Propos recueillis par Fred Delforge - mars 2004
Retrouvez cet article sur http://www.zicazic.com
...................................................................................................................................................................................


Retour à la liste des interviews presses écrites

Retrouvez d'autres interviews dans la sous-rubrique "Audios", consultez le dossier de presse dans la rubrique "Biographie".